mercredi 15 janvier 2014

Carnets de voyage dans la Vallée de l'Omo, Ethiopie.

2008 - Un mois en Ethiopie, dans la Vallée de l'Omo, à la rencontre de peuples premiers, surtout les Hammers et les Karos avec qui j'ai vécu plusieurs semaines.
Sans aucun doute l'un des plus beaux voyages de ma vie, notamment parce que ces peuples, pasteurs nomades (ils se déplacent avec d'immenses troupeaux de vaches, de moutons et de chèvres, on croise aussi quelques nomades avec des dromadaires), ont fait écho à la petite fille de pasteur espagnol que je suis. Ce sont des terriens, attachés à leurs animaux, grands marcheurs et nomades. J'étais dans mon élément.
La rencontre de pasteurs nomades, menacés de disparition, d'assimilation, d'intégration par une société éthiopienne qui les méprise, par des entreprises chinoises qui construisent des ponts et forent les sous-sols, par des églises évangélistes américaines qui veulent les habiller, par le monde moderne qui leur apporte alcool et prostitution, par des photographes mal intentionnés qui les mettent en scène et par des hordes de touristes qui les poursuivent avec des appareils photos alors qu'ils ne connaissent rien de notre monde moderne (ils vivent quasi nus, vêtus de peaux de bête ornementales, n'ont pas de chaussures, pas de lunettes, ne connaissent pas l'usage du papier ni du crayon, ne connaissent ni l'électricité, ni aucune autre invention, sont nomades et vivent dans des huttes de branchage...). Ce qui m'a le plus impressionnée: ils n'ont jamais vu leur visage dans un miroir (ni dans le reflet de l'eau de l'Omo, boueuse et infestée de crocodiles).
J'ai aussi croisé un groupe qui n'avait jamais vu de blancs et qui a cru que nous étions des revenants du royaume des morts (un peu comme des endives qui sortiraient de terre): leur fascination et leur terreur à nous observer était réciproque car ils étaient armés de Kalashnikov et d'AK47 (qu'ils troquent à la frontière du Sudan contre du bétail).
Ce voyage, bouleversant, a été très fort en émotions et en rencontres humaines. Si les paysages ravissent mes yeux, c'est la rencontre humaine qui fait battre mon cœur. L'Ethiopie a été bien au-delà de toutes mes espérances.
J'ai été accompagnée pendant ce voyage par un ethnologue extraordinaire, Francis Bouzon, qui voue une véritable passion aux peuples de la vallée de l'Omo. Sa maîtrise des langues locales (le swahili -langue véhiculaire du Kenya et de Tanzanie- mais également les langues Maasaï, Hamer, Karo, ainsi qu'un peu d'amharique et d'orominia), sa passion et sa connaissance des différentes cultures et coutumes locales, son humilité également, ont été des éléments essentiels dans la réussite et la qualité de ce voyage.
J'avais vu sur internet des portraits de femmes et d'hommes de la vallée de l'Omo, raides et figés dans des postures peu naturelles, mais aussi des vidéos qui me faisaient frémir tant elles semblaient avoir été tournées dans des zoos humains. Nous avons croisé des groupes de touristes qui se contentaient de quelques minutes et monnayaient des photos contre quelques birrs éthiopiens. Une fois rentrée, la petite troupe exhibera fièrement sa collection de portraits à sensation dans des dîners mondains ou sur internet. Je ne voulais surtout pas d'un tel voyage.
Bien sûr, j'ai dessiné certains moments dans mes carnets, j'ai aussi fait quelques photos et des vidéos (sans montrer aucune image aux gens pour ne pas les perturber) mais j'ai aussi beaucoup savouré ces moments d'échanges intenses sans aucun artifice, avec ma mémoire pour seul carnet ou pellicule photographique. 
Je rêve de retourner en Ethiopie pour une immersion chez l'une de ces ethnies et une découverte plus approfondie de leur culture, mais plus le temps passe et plus cela devient difficile à envisager, car le bouleversement de leur mode de vie est très rapide.






Difficile de trouver le juste milieu entre découverte de l'autre et respect de son mode de vie.  Comment partager leur quotidien sans les envahir... sans bouleverser leur mode de vie... sans les polluer avec notre technologie...






Tous ces carnets et ces objets sont disponibles pour être exposés, comme ici à la médiathèque de Colombes.

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